​Manger en pleine conscience et comment se libérer de l’alimentation émotionnelle

​En tant que naturopathie, je rencontre fréquemment le problème de l’alimentation émotionnelle. Face à moi, des parcours uniques, mais un constat souvent partagé : une relation à la nourriture devenue complexe, parfois douloureuse. Si manger devrait être source de plaisir et de vitalité, force est de constater que pour une part grandissante de l’humanité, c’est devenu un véritable casse-tête.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes et sont vertigineux. Aujourd’hui, pour plus de la moitié des êtres humains sur terre, manger est véritablement problématique. D’un côté, la surconsommation fait rage : 2,6 milliards de personnes sont en surpoids, dont 600 millions sont obèses, un phénomène qui touche de plus en plus l’enfance, prélude à des problèmes de santé chroniques. De l’autre, la sous-nutrition persiste, affectant 2 milliards d’individus, soit environ une personne sur trois. Ce double fardeau de la malnutrition, qu’il s’agisse de carences ou d’excès, souligne un déséquilibre profond de nos systèmes alimentaires mondiaux.

Ces données, alarmantes, sont corroborées par de nombreuses études, notamment celles de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et des rapports des Nations Unies, qui ne cessent de tirer la sonnette d’alarme sur l’urgence d’agir. Face à ce tableau, il est clair que notre rapport à l’alimentation nécessite une profonde réévaluation.

L’Alimentation Émotionnelle : Quand l’Assiette Remplace les Mots

Dans mon cabinet, cette problématique se traduit souvent par des récits personnels poignants. Beaucoup de mes clientes arrivent avec ce qu’on appelle l’alimentation émotionnelle. Le scénario est familier : un stress accumulé, une tristesse envahissante, une colère refoulée ou un ennui lancinant trouvent une issue temporaire dans la nourriture. Le paquet de biscuits devient un doudou, le chocolat une consolation, les repas un moyen d’anesthésier ce que l’on ne veut pas ou ne peut pas exprimer.

Ce comportement, loin d’être un signe de faiblesse, est souvent une stratégie d’adaptation, certes inefficace sur le long terme, mais compréhensible. Le piège ? Un cercle vicieux de culpabilité, de frustration et de honte qui enferme les femmes dans une relation toxique avec leur corps et leur assiette.

Loin des régimes restrictifs et des injonctions culpabilisantes, « Manger en pleine conscience » est une approche douce et bienveillante, en totale résonance avec ma vision de la naturopathie. Il ne s’agit pas de « bien » ou de « mal » manger, mais de « manger en conscience ».

J’invite souvent mes clientes à cultiver la pleine conscience dans leurs repas, une pratique qui, pour certaines d’entre elles, s’est avérée être une véritable bouée de sauvetage. La pleine conscience nous apprend à :

• Ralentir et savourer : Chaque bouchée devient une expérience sensorielle. Les couleurs, les textures, les odeurs, les saveurs sont pleinement appréciées, nous ramenant à l’instant présent. Cela aide à rompre avec le pilote automatique qui nous pousse à manger rapidement, sans même s’en rendre compte.
• Écouter les signaux du corps : La faim et la satiété redeviennent nos guides. Distinguer une faim physiologique (un creux dans l’estomac, une énergie en baisse) d’une faim émotionnelle (une envie soudaine et intense liée à une émotion) est une étape cruciale.
• Observer sans jugement : Nos pensées et nos émotions sont accueillies, non réprimées. Plutôt que de se jeter sur la nourriture face au stress, on apprend à reconnaître cette émotion, à la nommer, et à choisir consciemment une réponse différente.

Ce processus est intrinsèquement lié à l’auto-compassion.  La compassion est une énergie puissante et motrice. Elle nous arrache à la résignation et à la tentation d’abdiquer quand nous sommes englués dans la souffrance. Être bienveillant envers soi-même, c’est reconnaître sa propre vulnérabilité sans la juger, c’est se pardonner les écarts et les difficultés, c’est s’offrir le même soutien qu’on offrirait à une amie chère.

Pour illustrer cela, je propose souvent à mes clientes cette courte méditation que nous pourrions appeler « S’alimenter de bienveillance » :

« S’alimenter de bienveillance »

• Asseyez-vous confortablement, les pieds à plat sur le sol, les mains posées sur vos cuisses.
• Fermez doucement les yeux ou baissez le regard.
• Prenez quelques respirations profondes, en sentant l’air remplir vos poumons et se relâcher.
• L’objectif de cette petite méditation est de cultiver une attitude douce et affectueuse pour nous-même, comme nous pourrions l’avoir avec un être cher.
• Portez votre attention sur votre corps. Ressentez votre corps, vous pieds, vos jambes, votre ventre, le haut du corps, votre coup, votre tête, votre visage, …
• Prenez un moment pour tout ressentir
• Laisser émerger un ou deux mots naturellement.
• Offrez-vous des mots doux, de bienveillance, de compassion, des mots gentils, des mots que vous avez besoin d’entendre.
• Demandez-vous : « De quoi ai-je besoin ? De quoi ai-je vraiment besoin ? ( paix, liberté, amour, respect, sécurité, …)
• Imaginez qu’une personne arrive, et vous adresse des mots, des souhaits qui viennent combler vos besoins : « Je te respecte comme tu es », « je te vois, et je t’aime comme tu es », « tu es en sécurité », « je veux que tu sois libre et en paix » …
• Entendre ces mots vous fait du bien, vous remplie de joie. Permettez à ces mots, de nourrir tout votre être, toutes vos cellules en profondeur.
• Reformulez ces phrases en tournant l’intention vers vous même : « que je m’aimer telle que je suis », « je me respecte comme je suis », « je suis en sécurité et en paix »…
• Maintenant, posez une main sur votre cœur. Imaginez une lumière douce et chaleureuse émanant de votre main et se répandant dans tout votre corps.
• Répétez silencieusement ces phrases, en les laissant résonner en vous : « Puis-je être bienveillante envers moi-même. Puis-je me donner ce dont j’ai vraiment besoin. Puis-je m’accorder la paix. »
• Ressentez cette bienveillance se diffuser en vous, comme une nourriture réconfortante qui nourrit non seulement votre corps, mais aussi votre âme.
• Doucement, ramenez votre attention à votre souffle
• Sans jugement observer ce qui est présent pour vous, ici et maintenant.
• Quand vous êtes prête, ouvrez doucement les yeux et étirez-vous.

Au-delà de l’Assiette : Gérer Émotions, Pensées et Stress

L’alimentation émotionnelle n’est que la pointe de l’iceberg. Pour une relation apaisée avec la nourriture, il est fondamental de prendre soin de ce qui se passe en nous, bien au-delà de l’assiette.

• Prendre soin de ses émotions : Apprendre à identifier, nommer et accueillir ses émotions est la première étape. Cela peut passer par la tenue d’un journal émotionnel, des pratiques de pleine conscience, ou l’exploration de techniques de libération émotionnelle. L’objectif n’est pas de les contrôler, mais de les comprendre et de les traverser sans qu’elles ne dictent nos comportements alimentaires.
• Gérer ses pensées : Nos pensées ont un impact colossal sur nos émotions et nos actions. Souvent, des pensées automatiques négatives (« Je suis faible », « Je n’y arriverai jamais ») alimentent le cycle de l’alimentation émotionnelle. Les techniques de restructuration cognitive ou la simple observation de nos pensées sans s’y attacher, comme enseigné en pleine conscience, peuvent transformer notre paysage mental.
• Maîtriser son stress : Le stress chronique est un déclencheur majeur de l’alimentation émotionnelle. Intégrer des pratiques de gestion du stress au quotidien – méditation, respiration profonde, yoga, activité physique, ou même simplement des moments de calme et de connexion avec la nature – est essentiel pour réguler notre système nerveux et réduire le besoin de compenser par la nourriture.

En tant que naturopathe, mon rôle est d’accompagner chaque femme à redécouvrir ses propres ressources internes pour créer un équilibre durable. L’approche du « manger en pleine conscience », enrichie par l’auto-compassion et une gestion holistique des émotions et du stress, n’est pas un régime, une méthode miracle, mais un chemin vers une liberté et une sérénité retrouvées avec soi-même et avec son alimentation. Un chemin que chacune peut emprunter, à son rythme, pour se nourrir pleinement, et non seulement de nourriture.

Marjorie Perrot

Naturopathe

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